LE DIALOGUE AVEC DIEU ? EXISTENCE ET MONDE, LIEU DU DIALOGUE

« Le grand fait d’Israël n’est pas d’avoir enseigné le seul vrai Dieu … c’est d’avoir montré qu’il était possible en réalité de lui parler, de lui dire TU, de se tenir debout devant sa Face et d’avoir avec lui un commerce réel. Partout où il y a l’homme, il y a la prière aussi … Mais ce fût Israël le premier-qui comprit et bien plus vécut la vie comme un dialogue entre l’homme et Dieu : Dieu parle avec l’ homme, il lui adresse sa parole et l’homme répond; puis l’homme est libre de parler à son tour et Dieu lui répondra. Dieu entendu de la façon la plus concrète comme Celui qui parle et la création entendue comme sa parole; appel crié dans le néant et réponse des mondes par leur apparition; la parole créatrice perpétuellement féconde dans l’existence de toutes les créatures; la vie de chaque créature ainsi qu’ un dialogue incessant fut le message d’Israël que sa vocation était de répondre. Et Israël témoigna que le vrai Dieu est celui auquel on peut parler puisqu’il parle.

« Dieu s’adresse directement à l’homme par le moyen de ces choses et de ces Êtres qu’il place dans sa vie; l’homme répond par la façon dont il se conduit à l’égard de ces choses et de ces êtres envoyés de Dieu. Il y a un risque: l’âme ne veut plus avoir affaire qu’à Dieu seul, comme si Dieu voulait qu’on assouvisse en lui seul et non pas en sa création l’amour qu’on lui porte. L’homme alors se figure que le monde s’est évanoui entre lui et Dieu. Est-il encore au monde ? Mais avec le monde c’est Dieu qui s’est évanoui, il ne reste plus que lui: l’âme et ce qu’elle appelle Dieu n’est qu’idée qu’elle se fait. C’est le refus mystique du monde. De toute antiquité Israël avait confessé que le monde n’est pas le lieu de Dieu mais que Dieu est le lieu du monde et qu’il y « demeure » cependant réellement présent. (« Voici que les cieux, et les cieux des cieux ne peuvent le contenir-moins encore que cette maison que j’ai construite » 1 R. 8,27). De ce fait le monde est un sacrement, ce qu’il ne pourrait pas être s’il était le lieu de Dieu; rien d’autre en effet que cette présence  réelle « en lui » d’un Dieu qui lui est cependant transcendant ne peut faire de lui un sacrement. « Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire » c’est-à-dire de ta présence. C’est seulement chaque fois que l’homme entre en contact tant consciemment et saintement que celui-ci devient sacramentel. Il se produit alors une réelle ouverture sur le divin. Monde de ces choses et de ces êtres que Dieu n’a pas tant mis dans notre dépendance qu’il s’y est mis lui-même et il s’y tient à notre merci. Ce monde ne peut être considéré comme un obstacle entre l’homme et Dieu. Au contraire il est point de rencontre. Ce monde prêt à être un sacrement. Ce monde est ce par quoila.Parole de Dieu peut m’atteindre et ce en quoi Dieu veut recevoir une réponse de moi-même. Accueillir activement Dieu dans les choses, Dieu se dévoile à la lumière de toute rencontre authentique, il nous parle, il se propose dans le concret de toute situation .

BUBER « Le Message Hassidique »